Mais où est donc passé Exelvision et son EXELTEL ? Ne le cherchez pas dans le grand public puisque ce créneau ne représente plus que 15 % du chiffre d'affaire de la société. Ne le cherchez pas non plus sur le bureau de toutes les entreprises, comme micro-ordinateur professionnel ou comme Minitel de luxe. Non. Il faut à présent le débusquer dans les arrière salles des pharmacies, sous le capot des voitures, au coeur des centres de contrôle technique ou dans les locaux des PTT espagnols. Exelvision réalise maintenant 70% de son chiffre d'affaires à l'étranger et s'est résolument tourné vers les applications pointues de la télématique, vers « les terminaux télématiques sur mesure » . Quel curieux itinéraire depuis la sortie de l' EXL 100 en septembre 1984 puis de l' EXELTEL en décembre 1986. Ce micro-ordinateur « branché » tout azimut devait selon les propres mots d'Exelvision « préfigurer une nouvelle tendance du marché, une sorte de robot domestique à multiples usages possédant des fonctions téléphoniques, télématiques, informatiques, éducatives et ludiques », En fait de nouvelle tendance domestique, la machine tour à tour géniale et bornée, est bel et bien passée à la trappe. 55 000 machines, EXL 100 et EXELTEL confondus, ont été vendues en France dont 900 unités installées au sein des maternelles dans le cadre du Plan Informatique pour Tous.
Manque à gagner
Visiblement Exelvision n'a pas touché la cible qu'il visait: l'éducatif pour les enfants de 7 à 14 ans. « A sa sortie l' EXELTEL coûtait 3590F, nous étions trop cher face à l'Amstrad » analyse Georges de la Roche Brochard, directeur commercial chez Exelvision. Mais au delà du prix, la faible diffusion de l'ordinateur marque aussi la faillite du concept de téléchargement, du moins tel que le propose Exelvision. En effet, la société axe dès le départ toute sa promotion sur sa banque de programmes accessibles par le 3615. En deux minutes l'utilisateur charge un logiciel choisi parmi les 460 éducatifs et 53 jeux proposés. Rien à dire sur la quantité ; la qualité est en revanche assez consternante. Les éducatifs sont d'une simplicité qui frise l'absence d'intérêt. Même constat du côté des mini-jeux d'action proposés qui fleurent bon la nostalgie des premiers Pac-Man et Space Invaders sur console, et encore. Exelvision avance néanmoins trois mille heures de connexions par mois, ce qui signifie plus de 90 000 logiciels téléchargés.
Georges de la Roche Brochard : « C'est vrai que nos jeux ne sont pas fantastiques. Nous n'avons jamais réussi à convaincre les éditeurs de l'intérêt du téléchargement. Nathan ou Cobrasoft préfèrent garder les logiciels qu'ils ont développé sur Exelvision dans leur cave plutôt que toucher des royalties sur le serveur. C'est vrai aussi que notre meilleur jeu, le Tennis, n'est pas téléchargeable; il nécessiterait dix minutes de chargement et un EXELTEL muni d'un lecteur de disquettes. Nous avons fait l'erreur de croire que la télématique était mûre dans l'esprit des gens, On a beau leur répéter qu'ils ont accès à une bibliothèque de logiciels quasi gratuits (deux minutes de téléchargement coûtent 1,96F, ils ont l'impression de les payer aussi cher. »
Quelles issues ?
La société oriente maintenant ses recherches vers la baisse de prix en louchant avec envie vers l'énorme marché des petits ordinateurs d'initiation comme l'Ordimini de Nathan, vendu à 200.000 exemplaires, ou la « Dictée Magique » de Texas Instruments déjà diffusée à plus d'un million d'exemplaires dans le monde. Mais ces petites merveilles coûtent entre 400 et 700 F, l' EXELTEL à 2 780 F dans sa version de base est encore loin du compte. Loin du marché grand public, Exelvision développe des applications spécifiques de l' EXELTEL pour des petits marchés professionnels hyper ciblés. Au coeur des différentes applications, des EXELTEL reprogrammés et optimisés. Ainsi l' EXELTEL TTO, spécialement conçu pour les gros distributeurs de médicaments, est muni d'un lecteur de cartes Farenberger, ces toutes petites cartes perforées utilisées pour le renouvellement des stocks en pharmacie, et d'un lecteur de codes barres. Editel, un EXELTEL muni d'un terminal de saisie portable qui tient dans le creux de la main, a été conçu spécialement pour la saisie des données dans les centres de contrôle automobile. Le garagiste, allongé sous l' EXELTEL TTO voiture, rempli au fur et à mesure le rapport de contrôle puis branche le mini terminal à contrôle d'accès qui est un minitel sélectif pour patrons méfiants. Chaque employé possède une carte qui lui donne accès à un nombre limité de serveurs. Comme la carte Maya, il sonne le glas des causeries officieuses sur messageries pendant les heures de bureau. Mais l'application la plus intéressante reste le terminal européen, un super EXELTEL multistandard qui permet de se connecter sur tous les systèmes vidéotex européens d'Ibertex en Espagne à Bildschirmtext en Allemagne en passant par le Prestel anglais, l'Iteltel italien ou le Viditel des Pays-Bas. Un produit original qui parle à chacun dans la langue de son pays pour 4 443 F en version monochrome (les PTT suisses et espagnols ont, d'ores et déjà, passés commande). Peut-être un marché pour 1992 à l'ouverture des frontières européennes ?