Fabrice : Vous aviez le haut poste de directeur européen des activités grand public de Texas Instruments, qu'est-ce qui vous a poussé à créer votre propre société? Jacques Palpacuer : C'est exact! L'envie impérative de vivre une grande aventure en dehors d'une entreprise établie.
Fabrice : Comment s'est passé votre rencontre de Victor Zebrouck et Christian Petiot au sein de Texas Instruments? Jacques Palpacuer : Nous travaillions dans le même groupe qui s'appelait European Consumer Division.
Fabrice : Des sources indiquent que Texas Instruments France aurait travaillé sur un micro-ordinateur dont les bases s'appuyaient sur le CC-40. Le micro-ordinateur aurait été laissé à l'état de prototype suite au retrait de TI du marché auquel il était destiné. Le prototype d'EXL 100 a t-il des liens de parenté avec ce dernier (si tant est qu’il ait vraiment existé) ou bien a t-il été entièrement développé par Exelvision? Ce prototype d'EXL 100 était-il proche de l'EXL 100 que nous connaissons? Jacques Palpacuer : Nous n'avons pas utilisé le CC-40, en fait Texas Intruments croyait uniquement à un processeur 16 bits pour la micro-informatique grand public. Comme vous l'indiquez dans le site nous avons demandé à Texas Instruments de nous aider à développer un Basic sachant que le Basic du CC-40 existait nous avons pu avoir l'aide de Craig Benson de TI. Cependant toute la programmation a été l'oeuvre de Jean-Luc Jonca et de André Nucera. Craig Benson se contentant de vérifier les fonctionnalités du Basic.
Fabrice : Pourquoi avoir choisi un papillon comme emblème d'Exelvision? Jacques Palpacuer : Une entreprise née, très vite (en une nuit) autour de la couleur et d'un nouveau processeur graphique!
Fabrice : Innovation et dynamisme semblent avoir été les moteurs d'Exelvision et que derrière la vocation commerciale de la société, se cache une passion. Jacques Palpacuer : Il me paraissait important de démontrer les capacités que nous avions à développer des produits innovants et à la pointe de la technologie. Hélas la presse française n'a jamais reconnu nos avancées technologiques et a en fait tout fait pour que nous disparaissions. Nul n'est prophète dans son pays! La plus grande erreur que j'ai commise est de croire que les avancées technologiques s'imposent naturellement. En fait, il faut manoeuvrer dans les ministères et s'occuper peu des avancées technologiques.
La presse, l'éducation Nationale, les utilisateurs auraient été satisfaits si nous avions suivi le standard MSX puis MS-DOS même si ce dernier standard ne s'appliquait pas à la micro-informatique grand public.
Fabrice : Une publicité d'Exelvision montre un EXL 100 à destination des pays du Maghreb, quels ont été vos contacts dans ces pays, ces derniers ont-il pris part à l'aventure? Jacques Palpacuer : Je pense que nous avons tout essayer pour survivre face au désintérêt de la France pour nos produits. Nous avons, en particulier, essayer d'adapter nos produits pour le marché nord-africain ne nous rendant pas compte de l'incapacité de ces pays d'acheter nos produits.
Fabrice : Quand on parcourt l'histoire d'Exelvision, on a le sentiment que, plus que pour toute autre société française informatique française du moment, les embûches ont été nombreuses, que l'on a cherché à l'écarter du marché... Comme l’expliquez-vous? Jacques Palpacuer : Je pense que l'on touche à un mal français. Au plan institutionnel, seuls les grands groupes industriels comptent. Jamais une PME ne peut participer à un marché public. Nous avons, en particulier, développé un Minitel bien plus performant que ceux d'Alcatel , Philips ou Matra mais France Télécom n'en a jamais acheté un seul alors qu'il en a acheté plusieurs millions aux grands groupes!Jamais une entreprise française n'a été crée dans le secteur industriel, puis s'est développée depuis plus de trente 30 ans. Tous les marchés tels que l'éducation qui on permis le développement d'Apple sont SYSTEMATIQUEMENT attribués à des entreprises ayant des relations avec le pouvoir!
Mon conseil est donc le suivant: si vous êtes un créateur d'une entreprise industrielle, vous devez entreprendre ailleurs qu'en France.
Fabrice : Un virage vers les réseaux de communications avec Exeltel, un serveur dédié aux services et le téléchargement de logiciels, un sacré pari vers l'avenir et une direction plutôt visionnaire. La clientèle vous a t-elle suivi sur ce chemin, comment a réagit la concurrence? Jacques Palpacuer : Le concept de téléchargement de logiciel que nous avons créé en 1985 n'est devenu un produit que dix ans plus tard sur PC. Je crois que la concurrence et la presse n'avait pas compris ou n'avait pas pris le temps de comprendre.
Fabrice : Quand l'idée d'ExelPC vous est-elle venue? Un prototype fonctionnel a t-il vu le jour? Etait-il un micro-ordinateur à part entière ou bien une extension destinée à la gamme Exelvision? Pourquoi le projet a t il avorté? Jacques Palpacuer : L'ExelPC est venu naturellement lorsque nous avons compris en 1988 que les utilisateurs voulaient un produit COMPATIBLE IBM même si ce produit n'était pas un ordinateur grand public. A cause du chargement de l'OS par disquette et de la complexité d'utilisation pour un non-informaticien. L'ExelPC a bien été un micro fonctionnel et nous avions travaillé en particulier avec ACER pour sa mise au point et nous pensions utiliser pour DOS la version ROM de Digital Research pour ne pas avoir à charger l'OS.
Le plus incroyable et qu'aujourd'hui malgré les progrès réalisés nos PC chargent encore Windows Vista ou XP. Heureusement nos téléphones portables, nos machines à laver et la WII utilisent des OS en ROMS!
Fabrice : Avez vous pensé à un ExelMac? (j'entend par là, un microordinateur reprenant le concept du Macintosh) Jacques Palpacuer : Ayant compris dès 1988 que le PC compatible IBM allait s'imposer nous n'avons pas regardé ce qu'Apple faisait sachant que le système était fermé et propriétaire.
Le concept des fenêtres n'a pas été inventé par Apple mais par Xerox qui sur ses machines bureautiques dès 1981 utilisait des fenêtres. Malheureusement pour Xerox, elle n'a pas protégé le concept par un brevet qui aurait pu la rendre très riche!
Fabrice : L'acceptation d'Exeltel II par USWEST fut un beau pied de nez aux Postes et Télécommunication françaises. Comment expliquez-vous cette réussite? Jacques Palpacuer : Tout simplement: lorsque la concurrence peut s'exprimer sans combines le meilleur produit gagne.
De plus, aux Etats-Unis, il existe une loi qui réserve dans la mesure de disponibilité 5% de chaque marché public au PME. Imaginez-vous si la France avait cette même loi nous aurions vendu 250.000 Minitel, ce qui aurait permis tout simplement à Exelvision de continuer à exister, à innover et peut-être d'être un constructeur international de PC ou de terminaux GSM!
Fabrice : Des logiciels écrits en langage assembleur tels que les très bonnes adaptations de "Donkey Kong" ou "Pengo" permettent de cerner le potentiel des micro-ordinateur d'Exelvision. Pourquoi avoir sorti "ExelMax" si tardivement? Jacques Palpacuer : Vous avez raison! J'ai commis l'erreur de penser que les développeurs de toute façon ne s'intéresseraient pas à Exelevision et que par conséquent l'Exelmax n'était pas urgent.
Fabrice : Les langages "Exelforth" et "Langage C" ont-il vu le jour? Jacques Palpacuer : Exelforth est resté à l'état labo et le langage C n'a jamais existé.
Fabrice : Qu'est devenue la borne vidéodisque interactive? A t-elle été présentée? Jacques Palpacuer : La borne vidéodisque a été présentée à plusieurs clients qui n'ont jamais passé la moindre commande et le projet s'est arrêté.
Fabrice : Qu'avez-vous fait après Exelvision? Jacques Palpacuer : J'ai fait du conseil dans les télécoms, puis des rapprochements de PME américaines avec des équipementiers européens.
Fabrice: Cette année marque le 25ème anniversaire d'EXL 100. Quelles sont les pensées qui vous viennent à son sujet? Jacques Palpacuer : Une aventure extraordinaire et le regret que mon pays ne soit pas apte à accepter l'innovation et la création d'une entreprise industrielle.
Fabrice : Avez-vous conservé des souvenirs matériels d'Exelvision? Quel est celui qui vous tient le plus à coeur? Jacques Palpacuer : Je garde un EXL 100, des manettes de jeux et les jeux en cartouches que mes enfants ont utilisées pendant des années.
Fabrice : Monsieur Jacques Palpacuer, je vous remercie infiniement d'avoir accepté cette interview et pour le temps que vous m'avez accordé.
Entretien réalisé en Mars 2009
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