L'EXL100, Une voix sans issue?

Septembre 1984: un micro révolutionnaire naît sous le doux soleil méditerranéen.
Octobre 1986, la révolution n'a pas tenu ses promesses et l'EXL 100 cherche un second souffle. Synthèse vocale et clavier à infrarouges n'ont pas suffit à l'imposer. Tilt livre les secrets de ce beau parleur condamné au mutisme.


Il existe deux sortes d'ordinateurs, les ordinateurs moyens, qui ne déchaînent pas les passions, c'est le cas du Spectrum, des M.S.X., des MO 5 et TO7. Les autres, ordinateurs qui sortent des sentiers battus d'une façon ou d'une autre, se nomment ST, C64 et, bien sûr, EXL 100.

En effet, l'approche de l'EXL est très différente de la philosophie des autres ordinateurs : il est réellement familial en ce sens que sa conception le place d'office en tant qu'élément d'une chaîne audio-visuelle, entre le magnétoscope et le décodeur Canal + . C'est pour cette raison qu'il possède un clavier à infrarouges — tant décrié! —, des connexions peu accessibles, il faut plonger sous l'ordinateur : bref c'est une machine que l'on branche une fois pour toutes. Mais la place qu'il occupe n'est pas sa seule originalité, les conditions de sa naissance sont aussi très particulières. A la base l'EXL 100 était un projet de Texas Instruments. A la suite de l'abandon du TI-99 et de la décision de se retirer du marché des ordinateurs familiaux, le développement de ce qui allait devenir l'EXL 100 fut stoppé. Heureusement trois informaticiens de Texas décidèrent de continuer le projet, c'est ainsi que les premiers prototypes de l'EXL100 naquirent. Mais fabriquer un prototype n'est pas tout, encore fallait-il créer une société capable de fabriquer et de commercialiser ce produit. Cet objectif fut réalisé en août 1983 grâce à la CGCT — Compagnie Générale de Constructions Téléphoniques, qui était une filiale d'ITT et qui fut nationalisée à la suite de l'élection de François Mitterrand. La société pris le nom d'Exelvision et commença à commercialiser l'EXL 100 en septembre 1984.

Le produit définitif présente des caractéristiques techniques très originales : le processeur, un TMS7040, est secondé par un TMS7041 : ces deux processeurs travaillent de concert grâce à une liaison de type boîte aux lettres qui leur permet d'échanger des informations. Cette organisation — 'multiprocessing' — est très performante, et c'était la première fois qu'une machine familiale adoptait une telle architecture. Ces deux processeurs sortent de chez Texas Instruments, ils sont du type "micro programmé". intègrent une ROM de 4 Ko ainsi que 128 octets de RAM ; la fréquence de fonctionnement est fixée à 4,9 Mégahertz. La résolution de l'écran est de 320 par 250 en huit couleurs sans contrainte de proximité avec le mode « étendu », et de 320 par 250 avec affichage de vingt-quatre lignes de quarante caractères en mode «simple». La matrice de points est de huit par dix, il est possible de mélanger texte et graphisme et l'on peut utiliser quatre générateurs de caractères de façon simultanée. Ces derniers assurent la compatibilité avec le Système Antiope — nous y reviendrons — et avec le Minitel. Un circuit est chargé de gérer le graphisme, il s'agit d'un TMS3556 de Texas Instruments. En ce qui concerne le son l'EXL 100 en a étonné plus d'un. Il est doté, en version de base, d'un circuit de synthèse de parole. Il s'agit d'un TMS5220 C de chez Texas Instruments. Ce circuit permet une synthèse de grande qualité et ce n'est pas par hasard car la technique utilisée se rapproche de la digitalisation (principe LPC, codage par prédiction linéaire). Globalement, le résultat est bien plus convaincant que ce qui peut être obtenu avec un SPO 256 AL2, qui est monté dans de nombreux synthétiseurs vocaux - le SSA 1 d'Amstrad utilise ce circuit. De plus, et contrairement à la concurrence, la synthèse de parole n'étant pas en option, de nombreux logiciels l'utilisent. Côté mémoire, L'EXL 100 contient 32 Ko de RAM utilisateur, mais il y a une restriction : dans ces 32 Ko il faut stocker le programme Basic (heureusement), mais aussi la page écran, et si l'on est en haute résolution on a le plaisir et l'immense désavantage de voir la quantité de RAM utilisateur fondre comme neige au soleil. Il est donc très difficile de faire un programme Basic important, tout en utilisant réellement les capacités du système. Cela est assez gênant, mais il y a une alternative ; il suffit de programmer en Assembleur. Hélas, Exelvision n'a pas donné beaucoup d'informations sur ses processeurs (SES processeurs, car ils sont micro programmés, ne l'oublions pas), il en est de même pour l'organisation du système. C'est sûrement un des points qui a le plus gêné la diffusion de l'EXL, et qui a contribué au manque d'enthousiasme de la part des développeurs. Pour la ROM, nous trouvons 8 Ko pour le système (c'est-à-dire à l'intérieur de l'ordinateur), ainsi que des cartouches amovibles, dont le célèbre Exelbasic. Ce dernier, assez intéressant et très particulier, ressemble beaucoup à celui qui existe sur le TI-99, et sur le CC 40 ; tous deux sont de chez Texas Instruments. Le problème de l'Exelbasic est son éloignement des classiques instructions du Basic Microsoft. Ainsi MID$ devint SEG$, de plus la syntaxe est différente. Le STRING$ prend la forme de RPT$: inutile de multiplier ce genre d'exemples, un numéro de Tilt n'y suffirait pas! Cela est gênant. Toutefois l('Exelbasic permet la programmation structurée grâce à CALL SUB qui fonctionne de la même façon que GOSUB, mais sans numéro de ligne. De plus,l'instruction CALL SPEECH, malgré une syntaxe lourde, permet des effets sympathiques de synthèse vocale.

Petite bizarrerie de la nature : pour faire des calculs en mode direct, il n'est pas nécessaire de taper PRINT. Il faut faire 10 + 10 suivi de RETURN et, comme par magie, l'EXL donne 20 (étonnant non? Encore mieux; 11 + 11 donne 22!). Mais cela se paye: pour effacer une ligne, il faut obligatoirement taper DELETE puis le numéro de ligne, A propos : DELETE ne fonctionne pas en mode programme, pour les rusés qui utilisent ce système de programmation afin de gagner de la place pour les variables, cela présente un gros problème. L'Exelbasic est donc original, mais assez contraignant, ce qui est dommage.

Ainsi, L'EXL100 se présente comme une machine correcte, avec des défauts et des qualités. Mais Exelvision a été bien plus avisé que la plupart des fabricants d'ordinateurs : en sortant une gamme originale de périphériques. Les premiers représentants de cette gamme furent les joysticks. Fonctionnant par infrarouges, équipés d'un pavé numérique, ils sont pratiquement inutilisables... La seconde bonne idée fut de proposer un nouveau clavier, mécanique et toujours sans fil. Pas extraordinaire mais nettement supérieur à son prédécesseur ! Encore une bonne idée : la sortie d'un magnéto dédié. Certes, il ne gomme pas les problèmes de chargement, mais il les atténue jusqu'à les rendre supportables. Quant au module EXL 135, aussi surnommé « Exelpro », c'est une unité de disquettes un peu spéciale. Elle se présente sous la forme d'un boîtier de même encombrement que L'EXL 100 et peut accepter jusqu'à deux drives au format trois pouces et demi. Cela permet d'avoir un peu plus de 1,2 Mo en ligne, mais ce n'est pas tout car l'EXL 135 apporte 4 Ko de ROM en plus ainsi que 32 Ko de RAM utilisateur. Cette extension permet, au dire de son fabricant, certaines applications semi professionnelles... A voir... Exelvision propose d'autre part, une sorte de mémoire de masse qui se nomme « Exelmémoire». Celle-ci permet de sauvegarder des données, des programmes, etc. Système instantané, l'«Exelmémoire » n'est ni plus ni moins qu'une RAM sauvegardée par piles au lithium : l'accès est donc très rapide, Ce système est malheureusement limité à 16 Ko, mais Exelvision en prépare une de 64 Ko qui semble être d'une capacité plus correcte. L'Exelmémoire peut aussi être utilisée en tant qu'extension mémoire, permettant donc d'avoir 16 Ko de RAM utilisateur de plus. Autre extension originale : le module d'interface. Celui-ci intègre une sortie RS-232, une sortie parallèle — qui fait cruellement défaut en version de base —, et permet l'incrustation vidéo. Cette carte offre aussi un modem (une autre version contient un décodeur Antiope à la place de ce modem), Equipé de cette carte, l'EXL 100 est bien plus complet : on peut connecter une imprimante, transmettre des données par la sortie série et cite permet l'utilisation du modem. Celui-ci est conforme aux spécifications V23 du CCITT, fonctionne en half-duplex, mais aussi en full duplex, et bien entendu offre accès à tous les services télématiques de notre beau pays (c'est tellement vrai que le Minitel couleur de Tilt est un EXL 100 équipé de ce modem). Autre périphérique, peu courant, la boîte à rythmes. Elle a été développée en collaboration avec la firme allemande Hohner mais ce n'est pas exactement une boîte à rythmes. En effet, Exeldrums est entièrement programmable et, jusqu'à preuve du contraire, les boîtes à rythmes ne le sont pas et ne le seront jamais (une boîte à rythmes programmable s'appelle une batterie digitale). Exeldrums permet de jouer de six instruments en même temps, choisis parmi dix-sept. Il y a seize rythmes préprogrammés, et il est possible d'en créer cinquante-quatre de plus. Directement connectable à une chaîne Hi-Fi ou a une sono par l'intermédiaire de prises CINCH, elle est dotée d'un son stéréo. Cette petite panoplie des périphériques est aussi impressionnante qualitativement que quantitativement. Il existe aussi une imprimante qui s'appelle EXL 80, française mais d'un rapport qualité/prix moyen. Le moniteur monochrome, de très bonne qualité et peu cher, est équipé d'une prise péritel permettant une connexion très simple. Quant au moniteur couleur qui devait être commercialisé en septembre 1985, il est annoncé pour ce mois-ci... Dernier périphérique, Exelmouse la souris. Accompagnée de son fidèle Exelpaint, elle permet de réaliser de nombreux dessins : la transmission se fait au moyen d'un câble normal, standard, classique... Ainsi, L' EXL 100 semble vraiment soutenu par son constructeur.

Mais à part de rares exceptions, les logiciels pour l'EXL 100 ne suivent pas cette voie (les livres non plus d'ailleurs), et Exelvision ne semble pas vraiment décidé à faire des efforts pour en améliorer la qualité. Cela est inquiétant pour l'avenir: l'achat d'un ordinateur est en effet de plus en plus axé sur la logithèque. Mais L' EXL 100 a une botte secrète : une nouvelle version se présentera comme un EXL 100 classique, mais avec le modem intégré, a partir de ce mois-ci. Cette version coïncide avec un nouveau concept Exelvision : le terminal éducatif. Confortablement installé dans un bon fauteuil, votre clavier à infrarouges sur les genoux, vous pourrez consulter le serveur Exelvision qui propose des QCM, des jeux éducatifs et autres : nouvelle approche du marché, le côté ludique laissant la place à des applications plus sérieuses. Le tout est de savoir si le marché de l'informatique est suffisamment mûr pour saisir cette approche « futuriste » de la communication de réseaux ; pari très risqué, donc, pour Exelvision. Espérons que l'avenir leur donnera raison, il n'y a pas de plan IPT tous les ans...

Mathieu Brisou ©TILT N°35



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