Institut coopératif de l'école moderne (ICEM)- Pédagogie Freinet
French Cancans - Bulletin du secteur Français de l'ICEM N°4-5
L'usage de la télématique dans le contexte d'un réseau de communication met les enfants dans une des plus fortes situations de lecture qui soit et ce malgré un style général que beaucoup pourraient qualifier d'uniforme et malgré la brièveté des messages et le peu d'informations que chacun d'entre eux contient.
Chaque matin, l'ensemble de la classe, ou une équipe, ou chaque enfant suivant l'organisation mise en place doit analyser en un temps relativement court de 1 à 8 messages en moyenne, quelques fois plus. Il va donc falloir:
- qu'il détermine rapidement les expéditeurs,
- qu'il les situe non seulement sur une carte, mais surtout dans le contexte de tout le vécu du réseau,
- qu'il extirpe l'information contenue, qu'il la comprenne en faisant parfois référence à un message précédent, à une lettre, à un article de journal, à une cassette, à une page vidéotexte...
- qu'il détermine ce qu'il va faire de cette information.
Ainsi même s'il ne dit rien et ne fera rien, il s'agira du résultat d'une décision active et non pas d'une attitude passive.
Puis la classe devra débattre des diverses informations reçues, décider du suivi, l'inscrire au plan de travail. II est tout à fait exceptionnel que cette démarche puisse se faire en regardant l'écran. Les enfants travailleront donc avec des informations qu'ils auront mémorisées.
La plupart des classes travaillant dans un réseau archivent toute la messagerie sur papier (tableaux, classeurs...)... cet archivage est indispensable pour que la classe puisse maîtriser l'espace (provenance des diverses informations), le temps (une messagerie est une suite interrompue d'informations, de réactions, de réponses, de rebondissements...) dans l'action (chaque information appelant à une action ou une non-action).
Se situer dans un tel ensemble est un formidable travail de lecture rapide et de lecture fonctionnelle.
Ces trois aspects de la lecture: analyse, mémorisation, action, sont certainement parmi les facteurs les plus importants de l'apprentissage de la lecture. Seule la Pédagogie Freinet a réellement pu se laisser constituer des structures à l'intérieur (coopérative, ateliers, plannings...) et à l'extérieur (réseau) de la classe permettant l'utilisation réelle et fonctionnelle de l'outil lecture.
Dans le vaste réseau mis en place grâce à la télématique, la lecture est un outil nécessairement permanent. II ne s'agit plus d'une matière obligatoire, il ne s'agit plus d'un outil dont on se demande bien à quoi il peut bien servir, il s'agit du véhicule d'une quantité phénoménale d'informations qui auront un effet immédiat sur la vie de la classe, sur la vie de l'enfant, sur l'organisation du travail, sur la connaissance et la compréhension du monde et des autres. II s'agit donc d'un outil qui sert à l'appropriation de Sa propre culture.
Bien sûr, la télématique seule ne peut être le moteur de l'apprentissage de la lecture, mais dans toutes les classes du réseau, sans exception, nous avons constaté que par son effet immédiat, par sa concision, par la véritable interpellation qu'elle provoque, elle dynamise tous les autres supports de l'information.
Très vite même les plus petits comprennent ce qu'est la lecture. En voici un exemple concret dans une classe de CP-CE1.
1 Réception des messages
Chaque jour, en début d'après-midi, nous nous connectons avec l'Exelvision. Les enfants sont devant l'écran et moi je manipule derrière le clavier (magie du rayon infrarouge). Je ferais ainsi défiler successivement 8 messages que je mémorise dans la mémoire centrale de l'ordinateur, que je transfère dans la corbeille de la boîte à lettres et que j'efface enfin. Pendant ce temps, les enfants ont pour consigne de d'essayer d'identifier et de mémoriser le contenu des messages durant le court laps de temps (15s) où ils sont sur l'écran.
Ensuite, j'arrête la communication et nous essayons de reconstituer la trame de l'information qui vient de défiler devant nos yeux. Je donne d'abord la parole aux CP qui reconnaissent en ce mois de novembre des signes, des expéditeurs, des mots... puis les CE1 complètent et parviennent souvent à eux tous à énoncer la presque totalité de l'information. II nous reste alors à relire rapidement un à un les messages pour confirmer nos hypothèses et décider ensuite des suites à donner.
2 Travail sur fiches
Comme nous ne lisons que 8 messages par jour, il en reste forcément un certain nombre dans notre BAL (boîte aux lettres) quand la semaine se termine.
C'est pourquoi, le dimanche soir, je récupère d'une part, tous les messages contenus dans la corbeille que nous avons lu durant les jours précédents afin de les archiver sur papier, et d'autre part je vide la B.A.L. de tous les messages en souffrance afin de les inspecter dans un traitement de texte...
Je vais ainsi pouvoir réaliser des fiches de lecture pour les CE1 que je leur donnerai le lundi matin en arrivant.
Suivant la quantité des messages en souffrance, ils auront soit tous la même fiche, soit des fiches différentes. Chacun peut alors rédiger une ou des réponses s'il le souhaite. Ensuite, le contenu de chaque fiche est raconté à la classe afin de partager les informations entre tous. S'il y a débat ou questionnement, nous rédigeons à ce moment là une réponse que j'inscris dans le cahier de télématique. L'ensemble des messages, ceux reçus et ceux émis, est rangé dans un classeur tandis que chaque CE1 conserve pour ses archives sa fiche de lecture.
3 Lecture du journal "CRÉATIF"
Quand nous constatons que la date de mise à jour que l'on peut voir sur la page d'accueil du serveur a été modifiée, nous allons chercher les nouvelles pages suivant la même technique que pour les messages, la différence se situant uniquement au niveau de l'archivage.
En effet, il me semble important de conserver toutes les qualités (qui sont rares) de l'image vidéotext c'est-à-dire: couleur, clignotement, taille des caractères, et la seule façon est de pouvoir les consulter sur l'écran. C'est pourquoi, dans un premier temps, elles sont stockées dans la CRAM (mémoire à pile non volatile) de l'Exelvision ce qui permet de les retrouver facilement puis quand la place manque elles sont alors archivées sur une disquette dans un fichier portant comme nom la date de l'archivage.
Malgré tout, j'en conserve une trace sur papier pour mémoire afin de pouvoir conserver une vue d'ensemble de l'évolution du magazine au cours de l'année. Cela permet aussi parfois de laisser des repères (gommettes) sur la page faisant référence soit à la carte du monde ou à la carte de France ou à tout autre document présent dans la classe.
Roger Beaumont